On pourrait parler du musée imaginaire
de Malraux, de la manière dont les images conditionnent notre
rapport au monde, notre culture, forgent notre sensibilité,
modifient notre manière de voir.
On pourrait parler de la puissance que
la photographie donne au médium qu'elle transporte. Ainsi, la
citation « des images comme des oiseaux » évoque la
valeur documentaire d'un tel objet. Mais elle va au-delà de sa
matérialité, elle transcende l'image, change le regard sur ce qui
est représenté. Comme le Balzac de Rodin pris par Steichen.
On pourrait parler des différents
états de la photographie, du rapport entre le corps du spectateur et
l'image-objet, de sa matérialité, de son immatérialité. Du
glissement qui s'opère en parcourant l'exposition – physique,
haptique -, de la perception à l'évocation, de la proposition au
lâché prise, du processus scientifique à l'imagination. Du relief
vers le plat, de l'oblique vers l'aplomb, de la lumière aux reflets
troublant la visibilité, à la lumière permettant la diffusion de
l'image.
On pourrait parler d'Aby Warburg, de
l'image fantôme, survivante, de la mémoire et de sa plasticité.
Interroger, au cœur même de son histoire, la mémoire à l’œuvre
dans les images et la culture. Les constellations de formes,
l'exigence de penser l'image en relation avec les autres, le fait que
cette pensée en fasse surgir d'autres : d'autres images,
d'autres relations et ce, sans méthode imposée. On pourrait
rappeler que le temps de l'image n'est pas le temps de l'Histoire.
On pourrait parler du mouvement, de la
réutilisation des thèmes, des formes, des savoirs, des méthodes
comme des gestes, de la permanence de la civilisation. De
l'image en mouvement, de son déplacement dans la pensée, dans les
points de vue philosophiques, dans les champs des savoirs, dans les
périodes historiques, dans les hiérarchies culturelles, dans les
lieux géographiques.
On pourrait parler de l'image pensée
comme un moment, de ce qui est visible dans les œuvres elles-mêmes.
On pourrait parler des catalogues. Du
catalogue généré et du catalogue génératif, du catalogue actif
et du catalogue potentiel. De celui de l'exposition, comme témoin,
vecteur de diffusion. Des supports et de la taille des impressions,
de leur matérialité et de leur immatérialité, de l'application
numérique permettant de générer, de voir ces images, en d'autres
contextes, en d'autres lieux, voire dans le même lieu, dans le même
temps et ainsi vivre intensément ces mises en abîme, ces images
dans les images, ce que leurs rencontres provoquent.
On pourrait parler du processus
créateur et du principe d'équivalence de Robert Filliou, de la
multitude des manifestations matérielles et immatérielles du
processus de la création. De la création permanente de l'Univers.
On pourrait parler du rapport au temps.
Temps de la photographie, temps de l'Histoire et temps dans
l'Histoire, réinventée à chaque passage dans l'exposition. Et
temps de l'image comme survivance dans la réutilisation de formes.
Devrions-nous dire que c'est l'exposition qui passe à travers le
spectateur ? En tout cas, l'exposition se passe. Au sens où
elle a lieu. Une proposition qui force la présence et interroge sur
« l'être là » et à la fois, libère le spectateur
d'une présence imposée, proposant un parcours, un voyage, un point
de vue sur un point de vue (celui de Patrick Tosani, celui de Pierre
Giner), sur des points de vue (ceux des photographes dont les œuvres
sont présentées ou représentées sur des points de vue (témoins
aussi bien de leur temps, de leur culture, des lieux qu'ils
fréquentent ou qu'ils ont fréquenté), que de leur sensibilité.
http://www.lafriche.org/content/des-images-comme-des-oiseaux
http://www.cnap.fr/des-images-comme-des-oiseaux
http://www.cnap.fr/des-images-comme-des-oiseaux