jeudi 3 octobre 2013

La potentialisation et l'activation - Le jeu dans l'exposition de Pierre Giner


On pourrait parler du musée imaginaire de Malraux, de la manière dont les images conditionnent notre rapport au monde, notre culture, forgent notre sensibilité, modifient notre manière de voir.

On pourrait parler de la puissance que la photographie donne au médium qu'elle transporte. Ainsi, la citation « des images comme des oiseaux » évoque la valeur documentaire d'un tel objet. Mais elle va au-delà de sa matérialité, elle transcende l'image, change le regard sur ce qui est représenté. Comme le Balzac de Rodin pris par Steichen.

On pourrait parler des différents états de la photographie, du rapport entre le corps du spectateur et l'image-objet, de sa matérialité, de son immatérialité. Du glissement qui s'opère en parcourant l'exposition – physique, haptique -, de la perception à l'évocation, de la proposition au lâché prise, du processus scientifique à l'imagination. Du relief vers le plat, de l'oblique vers l'aplomb, de la lumière aux reflets troublant la visibilité, à la lumière permettant la diffusion de l'image.

On pourrait parler d'Aby Warburg, de l'image fantôme, survivante, de la mémoire et de sa plasticité. Interroger, au cœur même de son histoire, la mémoire à l’œuvre dans les images et la culture. Les constellations de formes, l'exigence de penser l'image en relation avec les autres, le fait que cette pensée en fasse surgir d'autres : d'autres images, d'autres relations et ce, sans méthode imposée. On pourrait rappeler que le temps de l'image n'est pas le temps de l'Histoire.

On pourrait parler du mouvement, de la réutilisation des thèmes, des formes, des savoirs, des méthodes comme des gestes, de la permanence de la civilisation. De l'image en mouvement, de son déplacement dans la pensée, dans les points de vue philosophiques, dans les champs des savoirs, dans les périodes historiques, dans les hiérarchies culturelles, dans les lieux géographiques.

On pourrait parler de l'image pensée comme un moment, de ce qui est visible dans les œuvres elles-mêmes.

On pourrait parler des catalogues. Du catalogue généré et du catalogue génératif, du catalogue actif et du catalogue potentiel. De celui de l'exposition, comme témoin, vecteur de diffusion. Des supports et de la taille des impressions, de leur matérialité et de leur immatérialité, de l'application numérique permettant de générer, de voir ces images, en d'autres contextes, en d'autres lieux, voire dans le même lieu, dans le même temps et ainsi vivre intensément ces mises en abîme, ces images dans les images, ce que leurs rencontres provoquent.

On pourrait parler du processus créateur et du principe d'équivalence de Robert Filliou, de la multitude des manifestations matérielles et immatérielles du processus de la création. De la création permanente de l'Univers.

On pourrait parler du rapport au temps. Temps de la photographie, temps de l'Histoire et temps dans l'Histoire, réinventée à chaque passage dans l'exposition. Et temps de l'image comme survivance dans la réutilisation de formes. Devrions-nous dire que c'est l'exposition qui passe à travers le spectateur ? En tout cas, l'exposition se passe. Au sens où elle a lieu. Une proposition qui force la présence et interroge sur « l'être là » et à la fois, libère le spectateur d'une présence imposée, proposant un parcours, un voyage, un point de vue sur un point de vue (celui de Patrick Tosani, celui de Pierre Giner), sur des points de vue (ceux des photographes dont les œuvres sont présentées ou représentées sur des points de vue (témoins aussi bien de leur temps, de leur culture, des lieux qu'ils fréquentent ou qu'ils ont fréquenté), que de leur sensibilité.

 http://www.lafriche.org/content/des-images-comme-des-oiseaux
 http://www.cnap.fr/des-images-comme-des-oiseaux